1 Juin 2022
Article publié par la Gazette des Communes le 24/05/22, par Solange de Fréminville
Le métier d’assistante familiale est en panne d’attractivité. En cause, l’isolement, les conditions de travail et le manque d’intégration dans les équipes de la protection de l’enfance, suscitant conflits et contentieux. Mais, devançant la loi Taquet, des départements mettent en place des solutions.
Effectifs en baisse, pénurie de candidates… Les assistantes familiales, en très grande majorité des femmes qui accueillent chez elles des enfants placés, sont devenues un sujet de préoccupation majeur pour les conseils départementaux. La faute aux « difficultés de recrutement » partagées par l’ensemble du secteur sanitaire et social, invoque Frédéric Bierry, président de la collectivité européenne d’Alsace, à la tête de la commission solidarité et affaires sociales de Départements de France.
L’attractivité moindre du métier s’expliquerait aussi par « les profils plus complexes des enfants qui ont des handicaps, des troubles du comportement, et qui, faute de places en établissement, se retrouvent en famille d’accueil, sans que leur santé soit prise en charge en raison du déficit de pédopsychiatres », estime-t-il.
Mais, aux yeux de la Fédération nationale des assistantes familiaux, d’autres facteurs de désaffection entrent en jeu. D’après l’association, leurs conditions de travail se sont dégradées sur de nombreux territoires dans un climat de tensions avec les services de l’aide sociale à l’enfance. « Depuis la crise sanitaire, j’ai beaucoup plus d’appels de professionnels en souffrance, mais c’était latent avant », affirme Annick Moine, présidente de la Fnaf.
Si celle-ci met en cause l’hétérogénéité des salaires, qui suscite l’incompréhension, et des indemnités d’entretien jugées insuffisantes, c’est plus encore « l’absence de travail en équipe » et le sentiment d’être « la case du bas » que déplorent les assistantes familiales, « alors que c’est nous qui avons les enfants 24 h/24 h et que les éducateurs sont absents, débordés… », souligne Annick Moine.
Manque d’informations, pas d’implication dans le projet pour l’enfant, pas de participation aux réunions de synthèse, très peu de congés ou de moments de répit, pas de reconnaissance… Le malaise est profond. D’autant que les assistantes familiales sont en première ligne auprès des enfants dont la santé mentale se dégrade, provoquant de multiples incidents. « Cela les met en difficultés », observe la présidente de la Fnaf.
En 2021, l’association indique avoir traité 400 dossiers de conflits avec des employeurs, en grande majorité des départements, et pour l’essentiel à la suite de suspensions d’agrément. « Nous avons remporté les 237 contentieux et eu gain de cause dans la plupart des dossiers », assure Annick Moine, selon laquelle, « par exemple, des éléments indispensables manquent, et bien souvent, il n’y a pas eu d’enquête administrative ». Elle admet cependant quelques cas indéfendables.
Sésame indispensable, l’agrément d’une assistante familiale peut en effet être suspendu immédiatement en cas d’information préoccupante, puis retiré si la commission consultative paritaire départementale donne un avis en ce sens. « Les départements invoquent le principe de précaution, mais sans vérifier la véracité des accusations, alors qu’il peut y avoir des dénonciations aberrantes », pointe Annick Moine. Avec pour conséquences, « une assistante familiale privée de son salaire et montrée du doigt, un enfant déplacé dans un établissement ou une autre famille, où les mêmes difficultés risquent de se reproduire », se désole-t-elle.
« Les suspensions sont exceptionnelles en Alsace : 3 en 2021 sur près de 600 assistantes familiales », relativise Frédéric Bierry. Même chose en Seine-Saint-Denis ou en Maine-et-Loire. « La suspension peut être immédiate seulement si la situation est grave. C’est rarissime », insiste Antoine Danel, DGA en charge du développement sociale et des solidarités du conseil départemental du Maine-et-Loire et membre du conseil d’administration de l’Andass. « Il y a régulièrement des incidents qu’il faut réguler », constate cependant Pierre Stecker, directeur enfance et famille de Seine-Saint-Denis, également à l’Andass. Dans ce département, une commission des événements indésirables permet cette régulation en amont.
Nombre de conseils départementaux cherchent en effet à rompre avec des pratiques jugées d’un autre âge, témoignant d’un travail social à deux vitesses, où le rôle des assistantes familiales dans la protection de l’enfance n’était pas reconnu. La loi Taquet sur la protection des enfants du 7 février 2022 les y incite. « L’assistante familiale doit être intégrée dans l’équipe éducative », rappelle Antoine Danel, qui s’appuie, dans le Maine-et-Loire, sur un référentiel cadrant son rôle et « la nécessité de prendre en compte sa parole ».
« Nous avons mis en place une équipe d’accompagnement professionnel composée d’éducateurs et de psychologues auprès des assistantes familiales, et nous équipons celles-ci avec des PC portables, notamment pour faciliter la production d’écrits », témoigne de son côté Nathalie Audouard, directrice enfance et famille des Pyrénées-Orientales, également à l’Andass. Pour Pierre Stecker, « dans le cursus de formation des assistantes familiales, il faut créer des passerelles avec d’autres formations du travail social. » Encore faut-il que les bonnes pratiques se diffusent.
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