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"Le rôle central des collectivités contre la précarité énergétique"

Article publié par La gazette des communes, le 03/06/22, par Anne-Claire Poirier

"Le rôle central des collectivités contre la précarité énergétique"
La hausse brutale des prix de l’énergie menace l’équilibre financier de millions de ménages. Les collectivités ont un rôle crucial à jouer pour détecter et accompagner les plus fragiles.

Avec la hausse record des prix de l’énergie­ – + 22 % entre février 2021 et février 2022, selon l’Insee –, les signaux indiquant une précarisation grandissante de certains ménages se multiplient. Selon les chiffres collectés par le Médiateur national de l’énergie, les interventions pour impayés de factures ont frôlé les 800 000 en 2021, soit un bond historique de 17 %.

En outre, 25 % des consommateurs interrogés ont déclaré avoir rencontré des difficultés pour payer leurs factures de gaz ou d’électricité en 2021. Ils étaient 18 % l’année précédente. Les centres communaux d’action sociale (CCAS) ont effectivement ressenti cette vague de détresse et signalé à l’Observatoire national de la précarité énergétique une hausse des demandes d’aides au paiement des factures. En moyenne, ils ont multiplié par dix les aides « énergie » entre les hivers 2019-2020 et 2020-2021.

"Le rôle central des collectivités contre la précarité énergétique"

Face à cette inquiétante montée de la précarité énergétique, le gouvernement a pris cet automne des mesures destinées à freiner la hausse des prix (bouclier tarifaire sur les tarifs réglementés du gaz et de l’électricité), à réduire le surcoût pour les plus modestes (prime inflation de 100 euros et bonification de 100 euros du chèque énergie) et à encourager l’achat de chauffages moins énergivores (bonification de 1000 euros de MaPrimeRénov’).

Trop de non-recours aux aides

Quoique louables, ces solutions manquent cruellement d’efficacité, et pas seulement en raison de l’insuffisance des moyens alloués. « La précarité énergétique augmente statistiquement, mais les gens qui en sont victimes restent difficiles à identifier. En particulier parce qu’une grande partie d’entre eux ne se définit­ pas ainsi », explique Yves Calippe­, vice-président de l’Union nationale des centres communaux et intercommunaux d’action sociale.

Alors que 2 des 4,8 millions de logements considérés comme des passoires thermi­ques sont occupés par des ménages modestes, ces derniers n’en ont pas toujours conscience. « Il y a un manque de connaissance sur l’énergie utilisée dans un logement, de sorte que les gens n’identifient pas toujours le problème », résume-t-il.

L’une des principales conséquences est le non-recours aux aides. Par exemple, le chèque énergie affiche un taux de non-recours de 25 %. Quant aux aides à la rénovation, « elles restent peu accessibles et ciblées sur les petits gestes [de rénovation, ndlr] plutôt que sur la performance globale », commente Hélène­ ­Denise, chargée de plaidoyer à la Fondation Abbé-Pierre.

Alors que 62 % des ménages en précarité énergétique sont des propriétaires occupants, les dispositifs nationaux ne sont pas adaptés. A titre d’exemple, « transformer une passoire thermique en logement décent coûte entre 15 000 et 60 000 euros. Or, en moyenne, 40 % du coût de ces travaux reste à la charge des ménages, ce qui est tout à fait dissuasif », illustre Hélène Denise. Du reste, l’éparpillement et la complexité des dispositifs sont un repoussoir efficace.

Passer des silos à la chaîne de détection

Dans ce contexte, les collectivités ont un rôle crucial à jouer, car les mieux placées pour repérer les personnes en détresse puis les accompagner sur le court et le long terme, du paiement des factures urgentes à la rénovation performante du logement, par exemple.

« Il est important qu’elles comblent les carences des dispositifs nationaux, insiste Hélène­ ­Denise. Le passage à l’acte de rénover est plus fréquent quand des aides locales sont additionnées. »

Si, jusqu’ici, la mobilisation des collectivités était inégale et globalement insuffisante, les choses sont en train de changer, assure Marie­ ­Moisan, qui dispense les formations-action du réseau Cler sur la lutte contre la précarité énergétique. « Au cours des derniers mois, nos sessions de formation sont passées de dix collectivités inscrites en moyenne à une trentaine », constate-t-elle.

De fait, les défis sont nombreux et les tâtonnements encore largement la règle. L’une des premières difficultés consiste à coordonner et sensibiliser des acteurs disparates n’ayant pas l’habitude de travailler ensemble : « La précarité énergétique est une thématique transversale, alors que les services fonctionnent souvent en silos : le social, le logement, l’énergie », détaille Marie Moisan.

C’est pourquoi le Cler porte le programme Slime d’accompagnement des collectivités, pour leur permettre de s’organiser différemment. Rapprocher les acteurs concernés améliore aussi la détection des ménages touchés par la précarité énergétique. « Il s’agit d’organiser une chaîne de détection grâce à la sensibilisation de donneurs d’alerte potentiels : travailleurs sociaux, associations, services du fonds de solidarité pour le logement, ­fournisseurs d’énergie, etc. »

Croiser les données, pas si facile

Sur la détection des ménages, une dizaine de collectivités, emmenées par l’association Amorce, se sont même essayées au « big data » : en croisant les données sur la performance énergétique des logements (diagnostic de performance énergétique, données des gestionnaires de réseau) et la situation des habitants (taxe d’habitation, signalement au CCAS, etc.), le programme Pacte-15 visait à massifier la détection des profils à risque, mais il s’est heurté, jusqu’ici, à la réglementation sur la protection des données personnelles.

Viennent ensuite l’information et l’accompagnement des ménages. Là aussi, les pratiques sont très hétéro­gènes selon les territoires et pas toujours faciles à appréhender. « Les agencements peuvent être très spécifiques d’une collectivité à l’autre, entre une internalisation plus ou moins poussée des services et le recours à divers prestataires et associations », détaille Oriane­ ­Cébile, conseillère « climat-énergie » à Intercommunalités de France.

« Globalement, il existe un besoin de clarification car il peut y avoir jusqu’à dix acteurs positionnés à différents échelons de la chaîne », remarque-t-elle.

Un guichet unique pour la rénovation

De ce point de vue, la loi « climat et résilience » du 22 août 2021 a donné, selon elle, un « coup d’accélérateur » en clarifiant les prérogatives du service public de la performance énergétique de l’habitat, dont la collectivité et ses groupements sont désignés comme l’échelon de référence. La promotion d’un guichet unique est renforcée avec une seule marque nationale, France Rénov’, et la réunion sous cette étiquette de tous les guichets existants (point rénovation information service, espace info énergie…).

Surtout, la loi prévoit qu’un accompagnement aux travaux deviendra obligatoire à compter de 2023 pour bénéficier de MaPrimeRénov’. « Mon accompagnateur rénov’ », qui pourra être un acteur public ou privé, devra notamment aider les ménages à élaborer leur projet de rénovation, à mobiliser toutes les aides financières et à choisir des professionnels compétents.

Le besoin est important car, « pour l’instant, il y a un gros déficit d’accompagnement », estime Marie Moisan, au Cler. Mais, comme souvent, le dispositif bute sur la question des financements.

Pour l’heure, le service public de la performance énergétique de l’habitat est financé par le programme Sare, dont l’enveloppe dédiée pourra atteindre 200 millions d’euros sur la période 2020-2024. Les régions sont invitées à doubler la mise. « Les opérateurs sont rémunérés à l’acte, ce qui peut éventuellement être adapté à un service existant, mais est insuffisant pour démarrer », constate Oriane Cébile, à Intercommunalités de France.

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